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Jeunesse, Religion et Contraception en Afrique francophone


En Afrique francophone, les jeunes âgés de 15 à 24 ans ont difficilement accès aux informations et services de planification familiale (PF) de qualité. De plus, ils affichent un taux d’abandon de la contraception supérieur à celui de leurs aînées et sont particulièrement sensibles aux effets indésirables. En mars 2022, PRB a tenu une série de quatre webinaires s’inscrivant dans la suite du dialogue initié en 2021 sur l’utilisation durable des contraceptifs chez les jeunes. L’initiative est portée par le projet PACE, financé par l’Agence Américaine pour le Développement (USAID) en collaboration avec le projet Knowledge SUCCESS.

Lisez la version anglaise.

La série de webinaires de mars 2022 du Population Reference Bureau a réuni différents représentants des ministères de la Santé, d’organisations de jeunes, de leaders religieux et de Partenaires Techniques et Financiers (PTF) engagés dans l’amélioration de l’accès à la contraception par les jeunes. L’accès durable des jeunes à la PF a été discuté sur la base d’une analyse du paysage politique des pays du Partenariat de Ouagadougou (PO), réalisée par le projet PACE. Les outils de communication développés par ce même projet pour renforcer le dialogue sur la PF pour les jeunes informés par des données probantes ont été présentés pour soutenir les échanges.

Résumés des interventions

Webinar 1: 8 mars 2022, Soutenir le recours à la contraception chez les jeunes dans le contexte des engagements envers FP2030

Regardez les moments clés : 00:00–42:50 et 1:16:25–1:17:40

Modératrice : Madame Aissata Fall, Représentante Régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre – PRB
Panelists:

  1. Madame Fatou Diop, membre fondatrice du Cadre Consultatif des organisations de la société civile jeune du Sénégal et point focal jeunes du Sénégal de FP2030
  2. Dr Simon Mambo, co-fondateur/directeur exécutif, Alliance des Jeunes pour la Santé de la reproduction (YARH), RDC
  3. Dr Siré Camara, Cheffe de Division PF à la Direction Nationale de la santé familiale et de la nutrition (DNSFN) au Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, Guinée

Le paysage politique pour l’utilisation durable de la contraception par les jeunes dans les neufs pays du PO a été analysé sur la base de sept recommandations définies dans une note de politique rédigée par PRB en 2021. Ces recommandations visent à assurer que tout jeune accède, sans discrimination, à la méthode contraceptive de son choix quand et où il le souhaite. L’examen des documents politiques et règlementaires de différents pays, notamment les engagements FP2030, les lois relatives à la Santé de la Reproduction (SR) et les Plans d’Action Nationaux Budgétisés de la Planification Familiale (PANB/PF) montre que dans l’ensemble, l’environnement politique des pays demeure peu favorable à l’utilisation durable de la contraception par les jeunes. La plupart des pays reconnaissent les jeunes comme un groupe aux besoins spécifiques, mais l’accessibilité financière, le suivi personnalisé et l’accès à toute la gamme de contraceptifs, particulièrement aux méthodes auto-administrées, sont largement insuffisants. Les panélistes ont débattu des priorités pour leurs pays respectifs.

“L’examen des documents politiques et règlementaires de différents pays… montre que dans l’ensemble, l’environnement politique des pays demeure peu favorable à l’utilisation durable de la contraception par les jeunes.”

En Guinée, l’insuffisance des ressources domestiques, le contexte socio-culturel et le manque de services adaptés aux jeunes sont les obstacles à surmonter. La disponibilité de la gamme complète des produits contraceptifs est considérée comme essentielle, problématique et actuellement traitée par un engagement dans l’élargissement de l’offre de produits dans les infirmeries scolaires, le secteur privé et les garnisons militaires. Cette dynamique s’appuie également sur la collaboration avec les organisations de la société civile, les PTF et la participation active des jeunes.

Au Sénégal, la prise en compte de la diversité des besoins des jeunes est identifiée comme prioritaire, considérant leur hétérogénéité en termes d’âge, de statut marital et de milieu de vie. Les organisations de jeunes saisiront l’opportunité du nouveau PANB/PF pour améliorer l’accès à la contraception pour les jeunes non mariés – ignorés dans les documents actuels.

Outreach team member. Credit: Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment.
Credit: Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment.

Enfin, la RDC (pays extérieur au PO) met la priorité sur la facilité d’accès à la contraception dans le secteur privé. Des organisations de jeunes y ont mené un plaidoyer informé par des données pour la reconnaissance des besoins spécifiques des jeunes, et obtenu la signature par le gouvernement provincial, d’un arrêté soutenant un plan quinquennal pour l’accès des jeunes à la contraception, intégrant leur diversité.

14 et 24 mars 2022 : Renforcer les partenariats avec les leaders de la jeunesse et les chefs religieux afin d’améliorer l’accès des jeunes à la planification familiale grâce à des dialogues communautaires éclairés.

Webinaire 2 : 14 mars 2022, Renforcer les partenariats avec les leaders de la jeunesse et les chefs religieux afin d’améliorer l’accès des jeunes à la planification familiale

Regardez les moments clés : 31:24–32:58 et 1:10:50–1:14:34

Modératrice : Madame Célia d’Almeida, Consultante en communication – Directrice ODEKA Médias & Formations
Panélistes :

  1. Monsieur Aly Kébé, membre du réseau des jeunes ambassadeurs SR/PF en Mauritanie
  2. Imam Abdallah Sarr, Secrétaire Générale de l’Association Mains de la fraternité en Mauritanie
  3. Dr Ben Moulaye Idriss, Directeur Général de l’Office National de la Santé de la Reproduction (ONASR), Mali
  4. Dr Konan Jules Yao, Représentant Adjoint, UNFPA RCA

Webinaire 3 : 24 mars 2022, Promouvoir les programmes politiques grâce à des dialogues communautaires éclairés

Modératrice : Madame Célia d’Almeida, Consultante en communication – Directrice ODEKA Médias & Formations
Panélistes :

  1. Madame Hayathe Ayeva, Jeune leaders, Ambassadrice SR/PF, Togo
  2. Madame Marlène Quenum, Présidente de l’ONG Allô Bénin, Chargée de l’organisation de la coalition des organisations de la société civile du Bénin
  3. Cheikh Elh Oumarou Mahaman Bachir, Président de l’Alliance des Religieux de l’Afrique de l’Ouest, Niger
  4. Monsieur Aliou Diop, Président de l’Association des Gestionnaires pour le Développement, point focal PF2030 pour la société civile, Mauritanie
  5. Dr Koudaogo Ouédraogo, Représentant Résident, UNFPA RCA

Le rôle des leaders religieux pour démystifier les tabous autour de la PF pour les jeunes et renforcer un dialogue informé par des données est largement démontré. Des vidéos produites par le projet PACE en collaboration avec des leaders religieux et des jeunes du Sahel ont illustré l’engagement des diverses confessions religieuses dans la promotion de l’utilisation de la contraception par les jeunes afin d’assurer le bien-être de la mère et de l’enfant. Et si leurs messages s’inscrivent dans le contexte du mariage quel que soit le pays, l’accès à la contraception pour tous les jeunes, y compris ceux non-mariés, est pris en compte dans les politiques de pays laïcs comme le Mali ou la RCA. Au Mali, des campagnes annuelles offrent les services de PF à toutes les utilisatrices sans restriction, en cohérence avec les principes de non-discrimination, particulièrement pour les jeunes, avec l’appui des PTF.

“Et si leurs messages s’inscrivent dans le contexte du mariage quel que soit le pays, l’accès à la contraception pour tous les jeunes, y compris ceux non-mariés, est pris en compte dans les politiques de pays laïcs comme le Mali ou la RCA.”

Tous les panélistes reconnaissent l’importance d’informer la communication sur la PF avec des données probantes – telles que celles des enquêtes nationales Enquête Démographique et Santé (EDS) et Enquête en grappes à multiples indicateurs (MICS) – mais constatent qu’elles restent insuffisantes pour alimenter les dialogues et le plaidoyer. Les données existantes, souvent quantitatives et informatives sur un temps donné, ne permettent pas de comprendre la dynamique de l’utilisation de la contraception par les jeunes. Des analyses secondaires des données nationales peuvent aider à expliquer l’abandon de la contraception et à comprendre l’impact des effets secondaires afin d’améliorer les messages tant pour les décideurs politiques que pour la communauté. Elles sont également importantes pour démontrer, par exemple, le rôle la PF dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale et des grossesses précoces. La nécessité d’un cadre de gouvernance et de coordination des données produites par les Etats et les PTF a été également soulignée. Les PTF sont encouragés à publier sur leurs sites les données qu’ils produisent pour un meilleur suivi des engagements dans le cadre du PO et de FP2030.

Webinaire 4 : 29 mars 2022 : Renforcer la position des dirigeants communautaires en tant qu’alliés en faveur d’une utilisation continue des méthodes contraceptives chez les jeunes.

Regardez les moments clés : 1:09:54–1:11:41 et 1:20:08–1:22:00

Modératrice : Madame Aïssata Fall, Représentante Régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, PRB
Panélistes :

  1. Madame Sorofing Traoré, point focal jeunes UCPO/FP2030 Mali
  2. Dr Alice Ndjoka, Directrice Adjointe, Programme National de la Santé de la Reproduction, Ministère de la Santé Publique, Hygiène et Prévention, R.D.C
  3. Madame Aminatou Sar, Directrice du Hub Afrique de l’Ouest et du bureau Sénégal de PATH
  4. Dr Bwato N’sindi, Spécialiste Technique, MH/RHCS Chef de l’unité Santé Sexuelle et Reproduction, UNFPA Togo

La recommandation politique sur la reconnaissance des besoins propres aux jeunes et celle sur la disponibilité d’une gamme complète de contraceptifs ont été spécifiquement discutées. Les panélistes (ministère de la Santé, organisation des jeunes et PTF) ont relevé les progrès réalisés, tels que l’approbation du programme d’éducation aux valeurs et à la santé sexuelle au Togo, la promotion par les autorités de RDC d’espaces conviviaux “jeunes” dans les structures de santé et la communauté, ou encore que les lois SR de leurs pays (Mali, RDC, Sénégal et Togo) intègrent l’utilisation de la contraception par les jeunes. Cependant, ce cadre légal reste insuffisant ou fait face aux pesanteurs socio-culturelles.

En RDC, la loi restreint le choix des méthodes contraceptives accessibles sans l’autorisation des parents pour les 15-17 ans et interdit l’accès sans consentement parental aux moins de 15 ans. Au Mali et au Togo, la faible compétence des prestataires de santé en counseling adapté aux jeunes, les préjugés, leur fréquentation des centres de santé et l’influence de leaders religieux conservateurs représentent des obstacles majeurs. Malgré l’engagement croissant de la société civile et des chefs religieux, les barrières socio-culturelles demeurent. Le constat est unanime quant à l’absence d’améliorations notables pour l’accès des jeunes à la contraception et sur la nécessité impérative de renforcer leur reconnaissance et leur implication comme acteurs à part entière des processus de formulation des politiques et programmes.

Youth outreach team
Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment.

Conclusion/ Recommandations

Le paysage politique des pays du PO demeure peu favorable à l’utilisation durable de la contraception par les jeunes. Malgré des progrès en termes d’engagements forts et d’adoption de textes règlementaires, les jeunes font face à plusieurs défis pour accéder durablement à une méthode contraceptive moderne quand et où ils le souhaitent. Les restrictions fondées sur l’âge, le coût, les préjugés des prestataires sont autant d’obstacles qui doivent disparaître. Face à cette situation récurrente, la participation des jeunes n’est pas optionnelle. Ils représentent la majeure partie de la population et doivent être pleinement impliqués dans la formulation des politiques qui les concernent et qui construisent leur futur. Ils doivent disposer du savoir nécessaire pour être entendus et assurer la prise en compte effective de leurs besoins spécifiques. Acteurs à part entière de la communauté, ils sont les alliés des gouvernements. Dans des sociétés fondamentalement guidées par la foi, les chefs religieux sont une force pour renforcer le dialogue et démystifier les fausses croyances. Leur collaboration avec les jeunes pour provoquer des changements positifs dans la communauté doit alors être soutenue pour amplifier une communication pertinente basée sur des données probantes, utilisant des messages adaptés et partagés par tous.

Ressources clés (cliquez pour agrandir)

Les ressources suivantes du projet PACE ont été partagées au cours de la série de webinaires :

  • Note de politique – Meilleures pratiques pour l’utilisation durable des contraceptifs chez les jeunes : cette note de politique décrit les modèles d’abandon de la contraception chez les jeunes et résume les preuves sur les facteurs d’abandon, à savoir les préoccupations liées à la méthode et la qualité des soins. Il présente une nouvelle analyse des principaux éléments d’insatisfaction à l’égard des services de PF chez les jeunes qui peuvent contribuer à l’arrêt de la contraception. Elle décrit les stratégies politiques et programmatiques qui peuvent améliorer la continuation contraceptive chez les jeunes femmes qui souhaitent prévenir, retarder ou espacer les grossesses.
  • Une présentation ENGAGE – Renforcer la confiance des communautés et le dialogue avec elles sur la foi, les mutilations génitales féminines et la planification familiale (Mauritanie) : PRB a collaboré avec l’Association des Gestionnaires pour le Développement (AGD) et le Cadre des Religieux pour la Santé et le Développement (CRSD) pour réunir un groupe multidisciplinaire engagé pour l’espacement des naissances chez les couples mariés et l’abandon de la pratique des mutilations génitales féminines et l’excision en Mauritanie. Ce groupe multidisciplinaire est constitué par des représentants du Ministère de la santé, les leaders religieux, les jeunes et les PTF. Il a validé le développement et la production d’une vidéo destinée aux leaders religieux et aux jeunes de la Mauritanie et du Sahel. Le but de la vidéo est de catalyser le dialogue régional et national sur les intersections positives entre la religion islamique et les besoins de santé reproductive et du bien-être des femmes et des jeunes de la Mauritanie. Elle montre les formes de collaboration possibles entre les leaders religieux et les jeunes afin de créer un environnement favorable aux politiques et programmes de santé reproductive des jeunes.
  • Une présentation ENGAGE – Rien N’est Tabou ! (Région du Sahel) :la présentation ENGAGE montre comment les communautés religieuses et les jeunes dans le Sahel peuvent œuvrer ensemble à faire avancer l’avenir de la région en promouvant un dialogue franc et ouvert et en encourageant en priorité la tolérance sociale. Elle souligne comment les leaders religieux peuvent se servir de leur influence de manière positive pour condamner les pratiques de mariage d’enfants et de mutilations génitales féminines. La présentation renforce également le message selon lequel les leaders religieux de la région sont disposés à encourager l’usage de la planification familiale chez les jeunes couples mariés et à soutenir les programmes d’éducation à la vie familiale.
  • Une présentation ENGAGE – Le Sénégal s’Engage : la Religion et la Santé familiale : Il s’agit d’un outil de plaidoyer pour relier les questions de santé reproductive et de planification familiale aux attitudes et croyances confessionnelles. S’appuyant sur des chefs communautaires et religieux, la présentation relie les impacts de la planification familiale et de l’espacement des naissances à des résultats positifs pour les soins, la nutrition et l’éducation des enfants ainsi que pour les ressources naturelles. La présentation illustre comment la planification familiale améliore la santé des mères et des enfants et contribue au bien-être des familles sénégalaises. En décomposant des concepts complexes et en utilisant un langage non technique, la présentation montre comment les chefs religieux du Sénégal peuvent guider les familles afin qu’elles puissent mener une vie spirituelle, heureuse et saine.
  • Analyse du paysage politique – Rapide analyse de l’environnement politique de l’utilisation durable de la contraception chez les jeunes : Le document d’analyse de paysage politique présente l’état de la mise en œuvre des sept recommandations de la note de politique dans les neuf pays du PO. Chaque recommandation est déclinée en critères auxquels des indicateurs sont attribués. La revue des documents politiques et de programmes a permis d’attribuer à chaque indicateur une notation. La méthode d’analyse des indicateurs a tenu essentiellement compte de l’accessibilité immédiate ou pas d’une jeune de 15-24 ans dans le besoin des services de PF. La notation retenue pour chaque indicateur est donc : Oui ou Non. L’objectif du document est de mettre à la disposition des acteurs de plaidoyers des informations et des données issues des documents nationaux pour alimenter leurs messages et leurs dialogues avec les décideurs politiques.
Oumou Keita

Senior Programme Officer, PRB West and Central Africa

With an MBA in Health Economics from CESAG in Dakar and a Master's degree in Public Health from the University of Bordeaux IV, she is committed to ensuring access to quality sexual and reproductive health services for all in all contexts. She has particular expertise in the development and evaluation of strategic programmes on reproductive health issues (maternal and neonatal health, family planning, adolescent reproductive health). Finally, she works on data production through programme costing and investment files to support advocacy and communication with public policy makers and other development actors. Oumou is currently a PhD student at the School of Public Health of the University of Montreal. Her research focuses on the challenges and opportunities in terms of governance and sustainable financing of the introduction of self-care in primary health care in Senegal.